
Le Palais du Bargello, avec sa structure imposante et menaçante rappelant celle du Palazzo della Signoria, renferme les chapitres les plus saisissants de l’histoire de Florence. Cela témoigne du fait que le passé de la ville n’était pas toujours marqué par l’harmonie et la beauté que l’on retrouve dans l’architecture ou les peintures de Botticelli.
Construit au milieu du XIIIe siècle, lors de l’ascension des Guelfes (de petits commerçants en pleine expansion) qui ont pris le pouvoir aux Gibelins (noblesse aisée), le palais était destiné à accueillir le magistrat le plus important de la ville, le podestà.
Les lois exigeaient que le podestà soit un étranger venant d’une localité située à au moins cinquante miles, et son mandat était limité à un an. Cela visait à garantir un juge impartial qui ne favoriserait aucune famille ou faction en particulier. Cependant, cette tentative s’est révélée infructueuse, car quarante ans plus tard, les travailleurs salariés (communément appelés le “peuple commun”) ont envahi le palais pour protester contre les injustices. Cet incident a conduit à une réforme de l’administration, semblable à une constitution à Florence – les Ordinances of Justice de Giano della Bella. Ces ordonnances interdisaient aux grandes familles d’accéder aux fonctions publiques et introduisaient la figure du Gonfaloniere de Justice, un magistrat chargé de diriger le conseil des Prieurs, de commander la milice et de défendre les intérêts des classes moins aisées contre les “gens gras” (les riches marchands).
Cette forme de gouvernance a perduré, du moins formellement et avec de brèves interruptions, jusqu’à ce que la famille des Médicis prenne le pouvoir. Les Médicis ont alors transféré les fonctions politiques et les représentations au Palazzo Vecchio, faisant du Bargello le siège du Conseil de Justice et des Juges de la Roue jusqu’en 1574. Au cours de ces siècles, le palais symbolisait les efforts des citoyens moins fortunés pour échapper à la domination de la noblesse.
Cependant, la vie à Florence, comme le révèlent les statuts survivants du podestà, n’était pas particulièrement joyeuse. Par exemple, si un serviteur était trouvé armé sans son maître après le couvre-feu, il risquait de perdre une main, et les amoureux étaient interdits de sérénades à leur bien-aimé, encourant une amende importante et la confiscation de leur instrument.
Les choses ont pris une tournure sombre en 1574, sous le règne de Cosimo Ier, lorsque le Palais du Bargello s’est transformé en une prison lugubre, abritant des prisonniers condamnés et les gardes. Le palais tient son nom du Chef de la Police (le Bargello) qui arrêtait et interrogeait les criminels. Le palais a été considérablement modifié, avec des espaces spacieux subdivisés et des loggias fermées pour créer davantage de cellules. À l’extérieur, les fenêtres somptueuses et grandes ont été fermées et remplacées par de petites fentes dans le mur. Les prisonniers étaient torturés et exécutés dans la cour, avec des pratiques macabres rythmées par le tintement des cloches de la tour Volognana, décrites avec une satisfaction sadique dans les récits contemporains.
L’atmosphère à Florence pendant ces années devait être empreinte de terreur, surtout lorsque, fréquemment, les têtes des exécutés étaient exposées sur un tronc entre la Via del Proconsolo et la Via della Vigna Vecchia comme avertissement aux citoyens. Parfois, à titre d’avertissement, les corps étaient suspendus aux fenêtres du palais, et si le crime était particulièrement odieux, l’image du criminel était peinte sur les murs de la tour du Bargello ou sur ceux de la cour intérieure.
Parfois, sous ces images, des vers diffamatoires étaient écrits, comme ceux sous le portrait d’un traître pendu, enchaîné et entouré de diables :
“Fier, cupide, traître, menteur,
Lubrique, ingrat, plein de tromperies,
Je suis Bonaccorso di Lapo Giovanni.”
Il suffisait de peu pour être étiqueté de cette manière, surtout si l’on n’était pas riche ou protégé par une personnalité influente. Dans les documents relatant la mort des prisonniers politiques, aucune raison spécifique n’est souvent donnée, seulement des phrases génériques comme “pour le bien de l’État”, “pour désobéissance à la République” ou même “pour des raisons inconnues”.
Tout cela prit fin, pour le soulagement des citoyens, lorsque le grand-duc Pietro Leopoldo abolit la peine de mort en 1786 et fit brûler les instruments de torture. Le Bargello continua de fonctionner comme une prison jusqu’au milieu du XIXe siècle, lorsque, dans un climat de réévaluation des idéaux médiévaux, il fut décidé de le restaurer. L’architecte Francesco Mazzei tenta de recréer l’architecture originale du Bargello, éliminant tout ce qui pourrait rappeler les cruautés qui y avaient été commises. Les loggias furent rouvertes comme à l’origine, les cellules exiguës furent supprimées, et les ornements architecturaux d’origine furent recherchés. Les murs furent ornés de décorations de style médiéval.
Depuis lors, il fut décidé que le Bargello abriterait un musée dédié à l’histoire et aux arts de la Toscane. En 1865, le Bargello fut inauguré en tant que musée national, avec des célébrations en l’honneur de Dante, auxquelles participèrent des collectionneurs privés qui décidèrent d’offrir divers objets en dépôt pour contribuer à sa formation.